On connaît les dégâts provoqués par les chenilles processionnaires sur les arbres, notamment les pins, mais ceux qu’elles peuvent engendrer sur les êtres vivants sont encore trop peu connus : elles représentent en effet un sérieux problème de santé publique ainsi qu’un danger encore ignoré de nombreux propriétaires de chiens et de chats.
Que sont les chenilles processionnaires du pin ?
La chenille processionnaire du pin est la larve d’un papillon de nuit, le Thaumetopoea pitycampa, papillon de 35 à 40mm d’envergure, aux antennes pectinées. Ce papillon éclôt durant l’été, entre juin et septembre selon le climat ; le mâle meurt un jour ou deux après l’accouplement, alors que la femelle s’envole vers la branche d’un arbre pour pondre jusqu’à 220 œufs avant de mourir à son tour. L’éclosion a lieu cinq à six semaines après la ponte et des œufs sortent des chenilles de quelques millimètres de long ; elles muent cinq fois et mesureront jusqu’à 40mm avant de se métamorphoser en papillon adulte. Ces chenilles tissent des nids de soie sur les rameaux du pin dans lesquels elles restent cachées pour s’alimenter, provoquant un affaiblissement important des arbres.
Au quatrième stade larvaire, elles forment un nid d’hiver volumineux définitif, construit côté sud pour profiter des rayons du soleil. Elles en sortent la nuit pour s’alimenter, se déplaçant les unes derrière les autres, en « procession », suivant un fil de soie qui leur permet de rentrer au nid. La cohésion de la file en déplacement est assurée par le contact direct entre les chenilles.
Au printemps, toutes les chenilles d’un même cocon quittent leur nid, toujours en procession, pour s’enfouir dans le sol, à quelques centimètres sous terre (5 à 20 cm) dans un endroit bien ensoleillé. Chaque chenilles va tisser un cocon individuel dans lequel aura lieu la transformation en chrysalide puis en papillon.
En quoi sont-elles dangereuses ?
Ces chenilles sont brunes noirâtres avec des taches rougeâtres sur le dessus et les flancs ; leur face ventrale est jaune et leur corps fortement velu : elles possèdent en effet dès le troisième stade larvaire de microscopiques soies urticantes (sortes de microscopiques poils) sur la partie dorsale des segments abdominaux. Ces soies, très légères et fragiles, sont projetées en l’air dès que la chenille est inquiétée ou excitée ; elles peuvent aussi être emportées par le vent. Leur forme de harpon leur permet de pénétrer et de se fixer dans l’épiderme de l’organisme agresseur. Le frottement en réponse à la démangeaison conduit à la rupture de la soie et à la libération de la substance urticante et allergisante qu’elle contient : la thaumétopoéine. Les soies sont très présentes dans les nids définitifs puisque deux mues y sont effectuées et peuvent rester urticantes pendant plusieurs années, c’est-à-dire bien après la disparition des dernières chenilles.
Les chenilles processionnaires représentent un danger pour l’homme comme pour les animaux de compagnie. En effet, une fois en contact avec la peau ou les muqueuses, les soies urticantes ont un effet similaire à celui de centaines de micro-piqûres déclenchant une irritation violente et une réaction de type allergique. L’inflammation est vive et entraîne brûlure, rougeur, œdème et douleur ; des troubles oculaires et respiratoires sont aussi à craindre. Le chien se fait nettement plus souvent piéger que le chat du fait de sa tendance à jouer avec la file de chenilles ou avec les anciens nids. Une fois piqué, l’animal gémit, s’agite puis cherche à se lécher et il répand ainsi les soies urticantes sur sa langue : il se met alors à saliver fortement et sa langue gonfle.
Le plus gros danger est le choc anaphylactique qui est une réaction allergique si violente qu’elle peut entraîner la mort de l’animal par des modifications cardio-vasculaires (troubles du rythme cardiaque, chute de la pression artérielle, arrêt respiratoire et/ou circulatoire). Le deuxième risque pour l’animal est la nécrose de la langue : elle peut gonfler, se tuméfier avec un durcissement inquiétant puis, sans soins vétérinaires adaptés, peut virer au violet et se nécroser ; une partie peut alors tomber quelques fois plusieurs jours plus tard.
Un contact avec une chenille processionnaire est donc une urgence vétérinaire : seul le vétérinaire pourra réaliser un nettoyage approprié de la zone atteinte, donner des anti-inflammatoires, des anti-histaminiques, des antidouleurs ou des antibiotiques ; il jugera de l’évolution des plaies et essaiera de limiter l’extension de la nécrose de la langue sans laquelle l’animal ne pourra pas vivre.
Les chevaux et les animaux d’élevage peuvent aussi être concernés quand ils mangent l’herbe sur laquelle est passée une procession.
Localisation et moyens de lutte
Les chenilles processionnaires du pin vivaient autrefois dans le sud de la France, mais le réchauffement climatique provoque leur progression vers le nord : elles ont franchi la Loire au début des années 1990 et ont aujourd’hui dépassé l’Ile de France. Non seulement le froid n’est plus assez vif pour tuer les colonies, mais la douceur permet aux chenilles de se nourrir tout l’hiver.
Les méthodes de lutte contre ces chenilles sont peu nombreuses mais indispensables et relativement efficaces : les nids doivent être brûlés et de simples pièges placés sur les troncs permettent de stopper la procession au bas des arbres. Le prédateur le plus efficace reste la mésange qui peut manger une quarantaine de chenilles par jour.
L’INRA a développé une application (AGIIR) pour mobiles pour que chacun puisse signaler la présence de l’espèce dans son proche environnement : il faut rester vigilant pour protéger la santé de tous.