Le motif de consultation le plus fréquent en ophtalmologie canine est certainement « l’œil rouge » au nom évocateur. Il ne s’agit pas toujours d’une simple “conjonctivite”. En effet, de nombreuses causes sont à l’origine de cet œil rouge. Très souvent cette rougeur est associée à de la douleur avec un clignement des paupières, une écoulement de l’œil, un frottement de l’œil au sol par le chien ou à l’aide de sa patte.
Mais ces symptômes existent dans un grand nombre de pathologies oculaires et ne sont caractéristique d’aucune.
L’œil est composé du globe oculaire proprement dit, enchâssé dans une cavité, l’orbite et maintenu par 6 muscles oculo-moteurs. Il comporte aussi des annexes, les plus importantes étant les glandes lacrymales et la membrane conjonctive (ou 3ème paupière). L’ensemble est enfin protégé par deux paupières.
Cette rougeur, inflammatoire ou due à une autre cause, touche presque toutes les structures oculaires.
Toute plaie, tout traumatisme du globe ou de sa périphérie peuvent être à l’origine de saignements et de réactions inflammatoires et donc de rougeurs.
Nous signalerons les affections responsables de « l’œil rouge » des zones les plus superficielles aux plus profondes.
Peau et paupières
Sans être une pathologie strictement oculaire on peut observer des rougeurs cutanées, accompagnées parfois de dépilations tout autour de l’orbite. Ce sont des dermatoses inflammatoires, infectieuses – bactérienne, virales ou parasitaires- , allergiques, ou des dermatomycoses.
Les paupières sont aussi le siège d’inflammations (blépharites) mais aussi de malpositions comme l’entropion. Une ou les deux paupières s’enroulent vers l’intérieur, et les cils frottent sur la cornée (membrane transparente de l’œil) et l’irritent. Le traitement est chirurgical et doit être précoce sous peine de voir peu à peu l’ensemble de l’œil se dégrader, de la conjonctivite à la plaie cornéenne. L’ectropion est une éversion des paupières vers l’extérieur, découvrant ainsi la conjonctive qui réagit. Moins grave que l’entropion sa correction est aussi chirurgicale.
Annexes de l’œil
Les glandes lacrymales sécrètent les larmes qui hydratent la cornée et qui s’écoulent par le canal lacrymal. Elles s’infectent parfois (dacryoadénite) mais très rarement; par contre leur canal s’obstrue fréquemment par inflammation, suite à la présence d’un corps étranger ou secondaire avec une prédisposition morphologique chez les chiens à museau court (brachycéphales). Le diagnostic se fait par instillation de fluorescéine (colorant) au niveau de l’œil.. Il faut parfois une désobstruction sous anesthésie par sondage du canal lacrymal.
La glande de Harder, est une glande lacrymale accessoire produisant environ 1/3 des larmes, et se situe dans l’angle interne de l’œil: cette glande peut se luxer et faire protrusion au niveau de l’angle interne de l’œil, comme une petite masse rouge de 1-2 cm. Le traitement est chirurgical.
Membrane conjonctive
La conjonctivite est l’affection oculaire la plus fréquente à l’origine du symptôme « œil rouge »: il s’agit d’une congestion, de la conjonctive, une fine membrane rosée qui unit la cornée (partie bulbaire) au bord interne des paupières (partie palpébrale). La couleur de la conjonctive varie du rose au rouge; son aspect peut également être modifiée (gonflement, œdème, ulcère,…). Les causes les plus fréquentes de conjonctive sont les allergies, ou les causes mécaniques (irritation par des poussières, par des cils ou par des corps étrangers): la présentation classique est l’apparition brutale de cette conjonctivite suite à l’introduction d’un épillet de graminées abrasif au sein des replis de la membrane. Ils parviennent aussi, rarement, à pénétrer derrière le globe oculaire. Dans ce cas, la prise en charge nécessite le retrait du corps étranger (parfois sous anesthésie locale et plus rarement sous sédation générale) et l’application locale de collyres ou pommades anti-inflammatoires parfois associés à un antibiotique.
Il existe une forme particulière de conjonctivite: “la conjonctivite folliculaire”. Il s’agit d’une violente inflammation de la conjonctive avec la présence de nombreux follicules lymphoïdes sur la surface de la troisième paupière: ils apparaissent suite à une exposition chronique à des agents allergènes ou des agents inflammatoires. Le traitement peut nécessiter un débridement des follicules associés à une corticothérapie locale sur du long terme.
Les conjonctivites peuvent aussi être infectieuses et nécessitent alors un traitement local anti-infectieux.
Une conjonctivite parasitaire est en recrudescence: la Thélaziose due à Thelazia callipaeda, un petit ver nématode (rond, non segmenté) pondu au sein de la conjonctive par une mouche. Le traitement fait appel à des anthelminthiques comme les milbémycines et à un traitement symptomatique.
Cornée
La cornée, partie transparente la plus externe de l’œil, peut est le site de nombreuses inflammations (les kératites) à l’origine de l’œil rouge: les kératites peuvent donc être qualifiées de “sèches”, “purulentes”, “infectieuses”, “traumatiques”,…
La kérato-conjonctivite sèche (KCS) atteint à la fois la cornée et la conjonctive: elle est secondaire à une dégradation progressive du fonctionnement des glandes lacrymales, et donc secondaire à un déficit de production de larmes. Elle se diagnostique à l’aide d’un test de Schirmer permettant d’évaluer de façon indirecte la quantité de larmes produites. Les larmes artificielles seront un complément au traitement anti-infectieux. Un traitement à base de ciclosporine peut être prescrit pour essayer de récupérer un fonctionnement des glandes lacrymales
Quand la cornée présente une surface altérée, on parle d’ulcère cornéen. Dans 90% des cas, l’origine de l’ulcère est traumatique. Cet ulcère peut être plus ou moins profond et aboutir à une perforation de la cornée. Le diagnostic se fait par un test à la fluorescéine. D’évolution aigüe, l’ulcère peut devenir chronique, avec une cornée qui s’opacifie, qui est envahie de vaisseaux sanguins lui conférant un aspect rougeâtre. Le traitement fait appel à des cicatrisants, des antalgiques et des anti-infectieux. S’il ne suffit pas, diverses techniques chirurgicales se pratiquent allant parfois jusqu’à la greffe.
Choroïde
C’est la tunique pigmentaire et vasculaire du globe oculaire, entre la rétine -tunique nerveuse- et la sclére -tunique fibreuse de structure. . Elle se prolonge en avant par le corps ciliaire qui fixe le cristallin et sécrète l’humeur aqueuse et par l’iris dont la couleur est propre à chacun. L’uvéite ou choroïdite est l’inflammation de cette tunique qui se traduit par de la douleur, de la rougeur, un myosis (rétrécissement pupillaire) et un aspect trouble de l’intérieur de l’œil.
L’iritis ou uvéite antérieure est une inflammation isolée de l’iris qui montre les mêmes symptômes. Parfois, du sang s’accumule entre l’iris et la conjonctive (hyphéma), signe de la violence de l’inflammation. Si l’iris et le corps ciliaire sont atteints on parle d’iridocyclite.
Les traitements sont symptomatiques : lutte contre la douleur et l’inflammation.
Glaucome
Le glaucome est une pathologie complexe de l’œil, qui par différents mécanismes, fait augmenter la pression intra-oculaire (PIO ou tension). C’est une maladie grave nécessitant une consultation rapide et un traitement adapté et bien conduit sinon l’évolution entraîne la cécité et une dilatation de l’organe. Il provoque une vive douleur, une pupille dilatée (mydriase) et une rougeur bien particulière. Les vaisseaux de la sclère sont gonflés et apparaissent en fort relief alors qu’habituellement ils sont presque invisibles. Cette tension donne un aspect rouge différent d’une inflammation. Le traitement fait appel à des collyres spécifiques souvent associés à des médicaments par voie générale et si cela ne suffit pas à diverses chirurgies.
Enfin un violent traumatisme ou des complications de glaucome ou d’uvéite antérieure peuvent provoquer une luxation du cristallin à l’aspect caractéristique et qui provoque aussi douleur et rougeur. Le traitement est chirurgical.
Chez le chien « l’œil rouge » n’est donc pas une maladie, mais bien un symptôme de plusieurs pathologies bénignes ou graves. Il faut pour les traiter efficacement poser un diagnostic précis et donc consulter rapidement et surtout, éviter l’automédication.